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Le serment des futurs médecins : origine et signification

Le texte attribué à Hippocrate n’impose pas l’obligation de soigner tous les patients sans distinction, contrairement à une idée reçue. Au fil des siècles, son contenu a subi des modifications majeures, notamment sur la question du secret médical, de la rémunération ou de l’euthanasie.Les facultés de médecine françaises ont adopté des versions différentes depuis le début du XXe siècle, certaines s’inspirant directement du texte antique, d’autres intégrant des valeurs contemporaines. Cette évolution témoigne d’une adaptation constante aux exigences éthiques et juridiques de chaque époque.

Aux origines du serment d’Hippocrate : un héritage de l’Antiquité

Le serment d’Hippocrate se dresse comme la référence la plus ancienne de la déontologie médicale. Rédigé quelque part au milieu du Ve siècle avant notre ère, ce texte, élément du vaste corpus hippocratique, a radicalement changé la façon d’aborder la médecine en Occident. Attribué à Hippocrate de Cos, que l’on qualifie encore de père de la médecine, ce serment s’inscrit contre la médecine magico-religieuse et les explications surnaturelles alors courantes dans la Grèce antique.

D’entrée de jeu, le serment prend à témoin les divinités : Apollon, Asclépios (Esculape), Hygie et Panacée. Cet appel solennel fait du serment plus qu’une simple promesse : un engagement public, sacré, devant la communauté et les dieux. La médecine se distingue ainsi des savoirs familiaux ou religieux pour s’installer dans une sphère professionnelle, avec des règles propres et un socle éthique identifiable.

Hippocrate valorise la transmission du savoir avant tout : respecter les maîtres, former les élèves, garantir que la connaissance circule avec sérieux d’une génération à l’autre. À l’époque, la théorie des humeurs imprègne tout l’art médical et oriente la lecture du corps malade. Dans sa première version, le serment consacre déjà la loyauté, la prudence et la mesure : trois piliers qui tracent la voie pour les futurs médecins.

Aujourd’hui encore, ce texte fondateur nourrit la réflexion sur l’éthique médicale, résistant aux siècles et aux bouleversements pour rester le fil conducteur d’une médecine humaniste.

Que contient réellement le serment : principes fondateurs et valeurs transmises

Ce serment ne se réduit pas à une déclaration de principes ou à un slogan. Il balise, dès l’Antiquité, la relation entre le médecin et le patient, inspirant durablement la déontologie médicale.

Ce sont ces engagements forts qui donnent toute sa force au texte d’Hippocrate :

  • Non-malfaisance : « D’abord, ne pas nuire ». Refus d’administrer du poison, rejet de l’euthanasie comme de l’avortement (dans sa formulation ancienne). La main du médecin ne doit jamais blesser sciemment.
  • Confidentialité : Dès les origines, la protection du secret médical s’impose. Tout ce que le médecin voit ou entend demeure couvert par la discrétion, fondement de la confiance entre soignant et soigné.
  • Transmission du savoir : Engagement à respecter et instruire : transmettre rigoureusement à la descendance des maîtres. La médecine est aussi affaire de filiation intellectuelle, jamais d’isolement.
  • Respect de la vie et intégrité : Toujours agir dans l’intérêt du patient, et refuser d’utiliser la connaissance médicale à mauvais escient ou à des fins inhumaines.

Le serment fixe ainsi une ligne de conduite exigeante, bien plus vaste qu’une simple tradition. Il scelle un pacte moral renouvelé à chaque génération de nouveaux diplômés.

Parchemin ancien avec le serment d

Entre tradition et modernité : comment le serment a évolué jusqu’à aujourd’hui

Pendant des siècles, le serment d’Hippocrate marque la grande bascule : celle où l’étudiant devient médecin, souvent lors de la soutenance de thèse. Ce rituel n’a pas disparu, mais son contenu, lui, a profondément changé. Exit les allusions aux dieux de l’Olympe, place à des valeurs universelles, laïques et accessibles à tous.

Le choc de la modernité se révèle après la Seconde Guerre mondiale, avec la Déclaration de Genève adoptée en 1948. Ce texte repensé à plusieurs reprises place le patient devant toute considération et affirme l’égalité des soins, bannissant toute discrimination. Désormais, les jeunes médecins à travers le monde s’appuient sur ce nouvel engagement, qui ne rompt pas le lien avec Hippocrate mais l’ouvre à l’exigence internationale.

En France, le serment reste sans valeur juridique. Seul le Code de déontologie médicale, intégré au Code de la santé publique et promulgué par l’Ordre des médecins, définit concrètement la profession. Pourtant, cette promesse d’exercer la médecine avec conscience, loyauté et respect continue d’accompagner chaque promotion, année après année.

Depuis la Loi Kouchner de 2002, les règles déontologiques s’enrichissent, en se traduisant notamment par les droits des patients : un accent affirmé sur l’autonomie des personnes soignées et sur l’accès à l’information. Le serment, tel qu’on le connaît aujourd’hui, poursuit ce mouvement, fidèle à l’esprit d’Hippocrate mais réactif face aux réalités contemporaines et aux attentes sociales.

De génération en génération, le serment évolue et s’adapte sans perdre son cap. Récité un jour de cérémonie, il continue de réunir ceux qui choisissent de soigner, les invitant à cheminer entre la mémoire du passé et la responsabilité du présent. Sur cette ligne de crête, la conscience médicale demeure, indocile et vivante.